Tome 2 / extrait tiré du chapitre II : Quand la marre est chaussée.
Samedi 5 janvier 2013, chez l’Abbé
Il venait de se réveiller, il avait peu dormi. Après le dîner avec le Sicaire à Bruxelles, il était rentré en lieu sûr, prétextant une aventure féminine au tueur. Le niveau de confiance baissait à nouveau et de plus en plus. Il restait à espérer que Klaus n’en était pas là, lui. Il avait bien entendu feint d’évoquer l’incendie, avait abandonné son véhicule dans la banlieue bruxelloise près d’un quartier résidentiel, s’était assuré de ne pas être équipé d’un traceur, avait laissé le téléphone dans la boîte à gants et appelé un taxi pour rejoindre la Mercedes de secours louée chez Hertz pour le mois.
L’abbé avait quitté la région pour une semaine, une retraite dans une abbaye dans le sud du pays avec la troupe scoute de la région. « Tu fais comme chez toi », lui avait dit l’ancien surveillant d’internat. « Mes placards sont tes placards, par contre question fringue, évite la bure ». C’est dans ces moments-là que lorsqu’il l’appelait « mon père », le « mon » était peut-être de trop.
Les choses récupérées la veille étaient éparpillées sur l’établi de l’ancienne grange. La clef USB était en cours d’analyse dans le MacBook Air, mais les fichiers étaient cryptés. Il faudrait du temps et peut-être l’aide de Suffixe, le pirate exilé en Écosse si la machine n’en venait pas à bout. Quelques documents annotés, une carte routière de la région montoise, des notes de restaurant, un ticket de parking datant des années 80 libellé « parquage », une boîte vide de cartouches Legia… Tout ce « brol » comme disent les Belges venait d’un tiroir qu’il avait vidé dans le premier box, celui des archives. Un insigne de la Gendarmerie royale brillait encore et un rapport nommé « Atlas » de la Brigade de Surveillance et de Recherche (la fameuse BSR) complétaient le tableau.
Son regard se posa alors sur le cadre avec la photo noir et blanc. Il le retourna et fut pris soudainement d’une idée lorsque le MacBook l’alerta d’un « bip » de la fin du traitement de la clef USB.
Un seul fichier était présent sur la clef. Il lança un outil de récupération de données, au cas où et lança le fichier « . avi » dans le navigateur multimédia. L’horreur absolue vint après les premières images qui n’étaient que le début du film Firefox avec Clint Eastwood. L’horreur donc. La pauvre métisse était allongée à même le sol. Les jambes écartées par deux mains chirurgicalement gantées, elle recevait des coups de pieds en plein anus tout en recevant des jets de whisky après chaque tourlousine. Son visage était déjà couvert d’hématomes. La bouche cousue grossièrement, elle meuglait. En fond sonore, on entendait la musique chancelante et presque burlesque d’un film porno de chez Alpha France.
Saint Val écourta, prêt à vomir, et ralentit à nouveau la bande vers la trentième minute. Un des deux hommes lui violait le rectum. Les visages n’apparaissaient pas mais l’on croyait les deviner. L’autre tenait ce qui servait de caméra et lui lacérait le dos avec une éponge en ferraille. Il appuyait fort, puis y jetait du whisky avant de lécher la peau. On entendait encore le charivari des râles d’un film porno fardés par les supplications étouffées de la jeune métisse. À la minute cinquante-deux et trente secondes : reprises du film Firefox. La dernière image laissait à penser que la jeune femme baignait dans le sang, l’urine et le whisky complétés par un déversement d’essence provenant d’un jerricane.
Finalement, il avait vomi. En sortant des toilettes, il avait fait un détour par le salon pour y prendre une large rasade de vodka pure. Il alluma une cigarette et retourna dans la grange. Il récupéra les attributs du fichier électronique. La date de prise de vue était fraîche : le 31 décembre dernier. Visiblement les deux vieux salopards s’étaient bien amusés pour le réveillon. Plus aucun doute qu’il s’agissait des corps découverts dans le garage. Mais pourquoi le Sicaire n’avait-il pas récupéré ces éléments ? Ce qui était certain, c’est qu’une fille avait dégusté et très mal fini l’année 2012. Avait-elle connu 2013 ? Sa famille était-elle au courant ou attendait-elle un hypothétique retour ? Saint Val ne pouvait pas laisser cette situation en l’état. Il attrapa son téléphone.
Un étrange appel était parvenu à la caserne des Forces spéciales de la Police fédérale. L’opérateur avait relayé l’information au commandant Jacques. Quelqu’un semblait vouloir confirmer sa présence dans les locaux. L’homme avait subitement raccroché après en avoir une quasi-confirmation sans même avoir donné son identité. En vieux briscard, Jacques s’assit derrière son ordinateur, puis vérifia que son téléphone était prêt à recevoir l’information. Il ne dut pas attendre trop longtemps.
Fin de l’extrait.
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