Chers lecteurs,
Un extrait du chapitre II de BrabanCIA, deuxième vague (tome 2).
Bonne lecture,
Saint Val,
Dimanche 10 novembre 1985, planque des services secrets albanais à Bruxelles
La radio n’en finissait pas de crépiter au sujet des tueries de la veille. Les Tueurs avaient encore frappé dans une moyenne surface, un magasin Delhaize à Alost. Le Riot gun a parlé, plusieurs fois. Une famille complète est décimée, enfant compris. Un petit gars blessé, mais grièvement. Une petite fille de 10 ans, une autre plus âgée de 14. Ils se sont déchaînés, comme le pleure presque le « speaker ». À nouveau à feu et à sang, la Belgique chiale, sèche. Le téléphone sonne, l’agent de la Sûreté de l’Etat ne répond pas ; pas le temps. Sa double vie le réclame, la vraie !
Hilaire Sarre vient de se déguiser à la va-vite. Il a eu juste le temps de sauter dans un taxi. Il arrive à la planque, haletant. Le major Petrov est tendu. Le visage est fermé et dur. De toute évidence, n’importe quel officier traitant le serait avec ce qu’il vient de se passer. Un « copycat » qui se passe mal. Des hommes dans la nature qui ne répondent plus, le tout après une opération « sous faux pavillon », il y a de quoi grisonner des tempes en moins de temps que met Tata Simone à se redorer le cuir à coup de henné. Hilaire Sarre, qui devient subitement à nouveau « Gus » en présence de son supérieur, se sent, malgré la gravité de la situation, ravi de pouvoir décompresser. Ici, presque rien à cacher. Il a toujours eu le même « traitant ». Petrov et lui, c’est une sorte de binôme. Un duo qui fonctionne à merveille depuis le recrutement à l’université, peu après mai 68. À son arrivée au sein de la Sûreté de l’Etat, personne n’avait décelé qu’il était déjà en main comme une gagneuse durant le mercato de l’asphalte. Une franche poignée de main, pas un bonjour, dans le vif du sujet directement.
- Où sont tes gars Gus ? demanda le major tendu.
- Je n’en sais rien. Ils ont fait le coup, c’est certain. Mais après ? Puh.
- J’ai vu les journaux aussi. Ils ont beaucoup tué. Huit personnes, dont deux enfants. C’est ce qu’on avait prévu au chiffre près. Mais après, comme tu dis ?
- Je ne sais pas. J’ai essayé de les contacter après avoir fait les deux endroits possibles pour les rendez-vous. Personne. J’ai, avec prudence, appelé un ami gendarme. Il paraît qu’un des gars dans la voiture a été blessé. Le dernier qui a embarqué à l’arrière de la Golf par le hayon.
- Ils se cachent où ?
- Je n’en sais rien. J’ai lancé un contact vers Action Directe et vers les Cellules Combattantes Communistes pour voir s’ils n’étaient pas entrés en relation avec eux.
- Bonne idée. Cela aurait été logique. Et les armes ?
- Et bien ça par contre, c’est étonnant. Tout a été déposé à l’endroit prévu. Absolument tout.
- Trouve-les ! Trouve-les Gus avant que les Belges et donc ces salops de l’OTAN ne comprennent que nous sommes derrière cette attaque-là.
- Ils soupçonnent déjà une opération « copycat» pour les magasins du 27 septembre.
- Mais ce sont eux qui sont derrière non ?
- Mais je ne t’ai pas tout dit.
La discussion dure et s’éternise. Le Jarre est bien obligé de raconter à son traitant que les opérateurs des opérations de l’OTAN en septembre ont disparu eux aussi, sauf Eric35 qui a été arrêté pour une affaire de pension alimentaire non versée. C’est comme ça que la Sûreté est tombée sur l’une des planques d’armes, comme ça que le Jarre a réussi à mettre la main sur le stock pour créer une opération plus « éclatante » pour discréditer les agents dormants de l’OTAN et les autres fascistes adossés à la « noble » cause anticommuniste. God save the fric !
- Et tu es certain qu’ils se sont volatilisés comme ça ?
- On pense qu’ils ont eu un blessé en septembre. Les armes ont été déposées dans le bois.
- Le même bois que celui que tes gars ont utilisé hier ?
- Tout pareil. Nous avions dit un « copycat».
- Personne n’était au courant à part toi ?
- Si, quelques gendarmes, un procureur et bien sûr le fameux Eric35.
- C’est une grave erreur que tu as commise Hilaire !
Jamais Petrov ne l’a appelé Hilaire depuis le recrutement. L’officier russe ne voit même plus rouge, la colère est noire mais cette relation est à la vie, à la mort.
FIN DE L’EXTRAIT